Hommage de Gérard FREY

neveu de Jean-Louis


Bonjour à toutes et tous,

Je ne suis pas sûr que Jean-Louis ait bien imaginé que notre petite..., minuscule famille se trouverait aujourd'hui face à toutes celles qu'il a construites autour de lui.

Ma soeur et moi-même avons l'étrange mission, commandée par Jean-Louis de parler ici, devant vous, en son nom !

Il tenait à vous dire, à nous dire combien sa vie, bien que difficile à son début, a été heureuse et pleine, combien de rêves somptueux et inconcevables il a vécu à travers l'éducation, la lecture, les voyages, le cinéma et les arts, bien sûr.

Mais ce qui nous marque avant tout c'est sa modestie. Personne ne peut imaginer les découvertes que nous avons faites depuis qu'il nous a demandé d'accompagner ses derniers jours et plus encore depuis qu'il nous a quitté. Il nous a raconté la chance qu'il avait d'avoir à son côté des gens intelligents, cultivés, délicats mais il n'a jamais rien exprimé quant à la place qu'il occupait parmi vous.

Nous espérons ne rien oublier en évoquant ses multiples vies.

Jean-Louis le pédagogue tout d'abord. Après 14 ans de coopération au Cambodge, en Algérie, au Burundi, en Cote d'Ivoire, revenu en France, en 1980, il avait compris, à une époque où cela n'avait rien d'évident, que les images nous envahiraient et que leur compréhension devait occuper l'Education Nationale. Son mémoire « initiation à la bande dessinée » a été suivi de la construction d'un cours autour du décryptage de l'image : bande dessinée, publicités, cinéma et peinture.

Jean-Louis voyageur du monde : impossible de lister tous les pays qu'il a abordé. Voici tout de même ceux qu'il nous a rappelés ces derniers jours à l'hôpital :

  • Le Cambodge d'abord et les ruines d'Ankor à l'époque encore enfouies en nature qui avait repris ses droits,
     
  • L'Algérie et le Sahara qu'il a découverts au volant de sa 4L,
     
  • Le Burundi et le charme de Bujumbura,
     
  • Le Pérou et sa montée épuisante au sommet du «pain de sucre» surplombant le Machu picchu,

J'en oublie mais la plus forte émotion lui venait du Kilimandjaro en haut duquel il avait grimpé. D'ailleurs le diplôme attestant de son exploit trône dans son bureau.

Jean-Louis cinéphile. Nos conversations téléphoniques duraient souvent de longues minutes car il voulait souvent partager ses impressions. Elles étaient toujours attachées à ses intérêts culturels ou à la vie. Je me souviens tout particulièrement du jour où en vacances quelques jours chez lui à Montalivet, il a proposé que nous voyions ensemble le film « les 120 battements de coeur » et où, après un long, très long moment de silence, nous avons croisé pendant des heures ses batailles autour du Sida et du mariage pour tous avec mes propres combats syndicaux.

Jean-Louis érudit. Sur ce terrain là, ma soeur et moi-même allons donner un coup de canif à nos ego parce que notre difficulté à le suivre et notre incapacité à nous souvenir de tout ce qu'il nous avait fait découvrir le désespérait quelque peu.
De fait je n'ai jamais vraiment compris pourquoi Jean-Louis le hussard de la république s'intéressait autant aux rois et à la noblesse, et, de peur de blesser certains d'entre vous, je préfère ne pas vous parler de Napoléon premier du nom.
Je n'ai jamais compris non plus comment le Jean-Louis qui ne voulait même pas être libre penseur de peur qu'un dogme y soit rattaché pouvait avoir une connaissance de la Chrétienté à faire pâlir de jalousie bien des croyants. Ses remontrances à notre égard furent répétées !
Je me dois de vous rassurer : avant-hier ma soeur et moi-même avons fait une virée à Germiny, Saint Benoît et Sully en hommage à ce qu'il nous a apporté.
(Je ne peux m'empêcher de raconter cette anecdote, la dernière qu'il nous a laissée, sur son lit d'hôpital, au bord du fou rire. Il avait fait un voyage à Londres avec un ami pour visiter quelques musées et, alors qu'ils ne s'y attendaient pas, ils tombèrent sur une exposition temporaire de l'intégrale des dessins de Botticelli. Une espèce de fièvre les a envahis. Pour ne rien arranger, à l'étage supérieur, ils ont découverts un immense Caravage, exposé seul dans une grande salle. La fièvre s'est transformée en folie : ils faisaient des aller retour entre les deux étages et n'arrivaient pas à quitter le musée.)
Quoi qu'il en soit, son impressionnant blog sur les musées est le témoignage évident de cette érudition, ainsi que ses articles dans la revue des amis des musées des Beaux arts d'Orléans.
N'oublions pas ses visites guidées, ses multiples conférences et en particulier celles données à l'ACORFI.
Heureusement d'autres parmi vous, tout à l'heure, vont bien mieux en parler que nous.

Jean-Louis, l'ami fidèle : son engagement auprès de Roger et Marguerite Toulouse a occupé une place primordiale dans sa vie.
Il a accroché derrière lui dans son bureau le Dante « pour qu'il le protége de sa bienveillance », nous a-t-il dit.
Son travail de référent avec l'association des amis de Roger Toulouse de ses oeuvres et de sa vie qu'il nous racontait dans tous ses détails.
Son inquiétude à l'approche de chaque exposition, sa satisfaction à son ouverture,
Son besoin de perfection à chaque publication de la revue annuelle question d'écriture comme de mise en page.
Son agacement quand il trouvait une information ou une interprétation erronée.
Sa joie quand une nouvelle oeuvre était découverte...
Il partageait pour Roger une émotion globale et absolue.

Par ailleurs, il nous avait parlé de sa collaboration au service de Bernard Foucher mais ne nous jamais dit que cela s'était concrétisé par la publication du livre « une enquête existentielle ».

Il y en a probablement beaucoup d'autres, que ceux-ci nous veuillent bien nous excuser.

Jean-Louis et ses terres. Il ne lui fallait guère de temps pour nous convaincre que sa Loire était le plus beau fleuve de France... du monde peut-être même. Quelques jolis lieux partagés suffisaient. Il avait aussi sa terre de déconnexion : les landes médocaines. Il aimait entretenir le jardin de sa petite villa de Montalivet les Bains. Et il est plaisant de vous quitter sur l'évocation du rituel incontournable, un peu avant midi, de l'ouverture des huîtres, accompagnées du vinaigre à l'échalote et de son ballon de bordeaux blanc, dégustées sur les tables rustiques du marché de Montalivet.

Voilà quelques unes de vies de Jean-Louis que nous connaissions et celles que nous avons découvertes, il y en a forcément d'autres... Et c'est bien comme cela. Notre oncle a disparu à notre vue mais il a encore tant à nous apprendre qu'il laissera une trace ô combien vivante et indélébile dans nos esprits.

 

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